Biography

AUTOBIOGRAPHY (in French)

Michaël S. Gottlieb dit Aram

7 mars 1908, naissance à Storozinetz, Autriche. Le plus jeune de neuf enfants. Mon père était gérant d’un vaste domaine dans un des plus beaux paysages d’Europe. Comme ma mère, mon père est issu d’une famille juive aisée et pratiquante. Mon père devint tôt libre penseur, ma mère resta pratiquante toute sa vie. Plus tard, mon père m’a raconté qu’avant de savoir marcher, je dessinais sur les murs blancs de notre maison, avec un morceau de charbon, faisant le tour de la maison à quatre pattes.

 

La famille déménage pour Berlin. Ecole communale. Je peins beaucoup et en classe, la maîtresse me passe commande, pendant les petites récréations, de tableaux à la craie de couleur exécutés sur le tableau noir, et, tous les enfants me regardant travailler, elle a la classe la plus silencieuse de l’école. Mon père et mes frères sont au front dans l’armée autrichienne ; ma mère a la vie dure pour nourrir seule les plus jeunes enfants.

Le père et les frères reviennent à la maison. C’est la révolution suivie d’autres évènements, Spartakus, Kapp-putch. La famille devient apatride, mon père n’ayant pas voulu opter pour une autre nationalité. J’entre au lycée. Elève malheureux mais le meilleur de la classe et bientôt de l’école, en dessin. Un professeur compréhensif met à ma disposition les cancres en dessin qui me servent de modèles. A part les portraits des membres de la famille, je peins et dessine les paysages de Berlin et les paysages de souvenirs d’enfance, et je visite tous les jours le Kaiser Friedrich Muséum, le Louvre de Berlin. Mes grands amours s’appelaient Rembrandt, Vermeer, Grünewald, Dürer. En me promenant dans les galeries, je vois les tableaux de Kandinsky, Klee, Matisse, Picasso et les expositions venant de Paris. Durant mes heures libres, je travaille dans l’atelier d’un élève de Corinth. Visite chez Fritz Stahl, l’éminent historien d’art de Berlin, juif allemand.(« Weg zu kunst », « Paris », « Rome » …) Amitié jusqu’à sa mort. Visite chez Käthe Kollwitz.

Je quitte l’école sans attendre l’épreuve du bac et j’entre comme apprenti chez Hugo Baruch, la plus grande maison d’Europe pour les décors de théâtre, d’opéra, de ballet, de film, les décorations de châteaux, de demeures anciennes. Une façon d’apprendre la peinture dans l’esprit de la peinture classique et florentine avec des affinités avec le fresco, pas académique. J’entre à l’école des Beaux Arts de Charlottenburg. Etudes des peintres du Quattrocento, surtout Masaccio et Ghirlandjo, perspective classique, peinture avec tous mes matériaux. A cette époque de la République de Weimar, dans toutes les écoles d’Art en Allemagne, on apprend un métier. Je me spécialise dans le portrait et le décor de théâtre. je fais des copies des maîtres, des natures mortes cubistes, des portraits de gens de théâtre, et de la peinture libre, ce qu’on appelle aujourd’hui l’abstrait, terme aussi péjoratif que gothique, cubisme, fauvisme ou autre expression limitative consacrée. J’entre à la Volksbühne au Bulowplatz comme assistant pour le décor et les costumes de théâtre et comme assistant de la direction artistique de la Volksbühne et du théâtre Am Schifferbauerdamm. Brecht vient à la Volksbühne pour monter sa pièce « Homme pour Homme » et je deviens son collaborateur. Il loue le théâtre Am Schifferbauerdamm pour la première mondiale de « L’Opéra de quat’ sous » où je suis son collaborateur. Je travaille pour divers décors de théâtre, pour le cinéma; je fais des portraits sur commande, des paysages de Berlin vus du toit de la Volksbühne et de mon atelier de l’Ile des musées, au No 3 Schlossplatz. Décor pour O’Neill « Tous les enfants de Dieu ont des ailes ».

je fuis l’Allemagne, étant en danger de mort. J’arrive à jaffa, après avoir traversé la France en train sans m’arrêter, triste et fou de rage de ne pas pouvoir alle à Paris que je désire tellement voir. je m’installe à tel Aviv où je travaille comme peintre, portraitiste, décorateur pour le théâtre et architecte, designer, et je deviens co-fondateur de l’Opéra avec Frank Pelleg, Georges Singer et plus tard Eddis de Philippe. Pour le théâtre « Ohel » je fais « Schwejk » et quelques pièces de Shaw, pour l’Opéra je fais « Carmen », « La belle Hélène », « Tosca », « Bohème », « Rigoletto ». Je fais des décors et des costumes pour les ballets « rhapsodie in blue » de Gershwin, le ballet de Carmen, « Danse Polowetz du Prince Igor », avec la chorégraphe gertrud Kraus. En peinture libre, les thèmes sont différents après chaque excursion dans le pays, Jérusalem, Emek, Galil. (Evidemment à la peinture classique et à la peinture d’avant Kandinsky et Picasso s’ajoute la peinture libre, comme les grands évènements politiques enrichissent l Histoire.) Je deviens citoyen britannique de Palestine, aujourd’hui Israël. je me marie avec la danseuse Paula Padani, élève de Mary Wigman qui vient d’arriver de Dresde et qui fonde sa propre école à tel Aviv, donnant des récitals de danse dans tout le pays même pendant les attaques arabes. je fais un voyage en Italie, Venise, Vicenza, padoue, Vérone, Florence, Rome. Sur le bateau de retour, la radio annonce l’invasion de Vienne par les nazis. Nous quittons Tel aviv pour l’Europe où ma famille a vécu pendant deux mille ans. c’est le temps du procès de Nüremberg, la ville de Dürer, 1946. Nous arrivons à Paris le 26 octobre. j’apprend ce qui est arrivé à ma famille. Paris a joué un grand rôle pour moi, depuis l’école, la fascination pour la peinture de notre époque, du cubisme et surtout depuis l’influence de Stahl qui a écrit un des plus beaux livres sur Paris. En arrivant à Paris, ayant déjà étudié dans mon enfance le Louvre et les musées, je me suis senti tout de suite chez moi, dans ma patrie : la Peinture. Bien sûr, la réalité, je l’ai comprise plus lentement et je me suis aperçu que la peinture n’était plus, toujours, un métier noble. Quand j’ai quitté Tel aviv, c’était aussi pour en finir une fois pour toutes avec le travail pour le théâtre qui me prenait trop de temps. j’ai tenu parole et j’ai refusé toutes les propositions.

Visite à Londres où habitaient mon frère aîné, anglais de longue date, et ma soeur qui a pu s’échapper d’Allemagne et qui ont survécu au Blitz sur Londres. Première visite chez Picasso. Beaucoup ont suivi depuis, échelonnées sur de nombreuses années. Visite à l’atelier à paris, à Vallauris, visites à « La Californie » à Cannes, conversations en regardant les oeuvres récentes, surtout pendant le festival de Cannes en 1956, après le tournage du film de Clouzot. En 1949, avant mon départ, il me dit « Reste ici, on va se voir tous les jours ». Mais je suis parti. Cela c’était entre 1949 et 1956. Revenons à 1947. je fais connaissance de Kisling, de Gontcharova, Larionoff, Zadkine, Chana orloff …. je travailla alternativement la peinture libre et la peinture avec un thème choisi. Quand notre fille Gabrielle naît, il y a bien sûr plusieurs maternités, d’autres thèmes comme le petit déjeuner au lit, Paula à la guitare, et naturellement la peinture libre au cours de la même journée. Quand on a parlé du renouveau de l’armée allemande, en 1954, j’ai ressenti en moi comme une explosion et j’ai dessiné une série de crucifixions où les soldats romains portent la croix gammée mais où les victimes sont toujours les mêmes. Dans l’appartement-atelier place Furstenberg, au sixième étage, ce sont les toits de Paris que je vois. Paris gris perle, paris d’avant le grand lavage. les natures mortes sorties du cubisme et les toits sont des offrandes peintes en reconnaissance pour avoir survécu à l’Holocauste, mais des offrandes en deuil. Et toujours la peinture libre, celle qu’on appelle abstrait, peinture vivante, pleine de vie, de couleurs, mes vitamines qui me ramènent à la vie en dépit du deuil. j’expose mes peintures exécutées à l’hôtel Raspail, à l’hôtel Medicis, à l’hôtel Royer-Collard, dans mes ateliers de la rue Tiphaine, de la Place Furstenberg, du boulevard Saint Michel. Et après chaque changement de lieu, après chaque voyage, après Colmar, Bruges, Gand, la route des Abbayes en Normandie, après la Bourgogne et son Dijon, après Amsterdam, Harlem, delft, ma peinture s’enrichit et change. Je dessine toujours comme dans ma jeunesse d’après les Maîtres. A une certaine époque c’est Vermeer qui domine, pendant quelques temps c’est Grünenwald, quelquefois Titien et Franz Hals. Aujourd’hui, je fais des dessins qui sont des sculptures, ma sculpture. Entre temps, j’ai fait des portraits pour mes collectionneurs américains, des portraits de ma famille, de quelques célébrités, Ingmar Bergman, Anouilh, le docteur Moshe Woolf, de Bush, pendant sa tournée à Paris (où je revois aussi Brecht et Weigel), de l’écrivain suédois Stig Dagerman, de Moshe Sharet. Souvent nous faisons des voyages en Italie. Florence, Fiezole, Rome, Venise, Pise, Arezzo et surtout Sienne où nous habitons au centre de la ville, où à chaque pas on entre dans la beauté, dans le bonheur et qui est source de nouvelles inspiration.

Paris 1988